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Beethoven - Livret pour les symphonies 1 et 3

J.-F. Lucarelli (espace-midi.com), le 28/11/2012

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Les symphonies de Ludwig van Beethoven

Beethoven n’a pas écrit neuf symphonies, il a réinventé neuf fois LA Symphonie. Si le XVIIIe siècle a vu l’écriture de milliers de symphonies, Beethoven rend ici à cette forme son rôle d’œuvre clé dans la production musicale.

Il a trente ans quand il écrit sa première symphonie (même s’il existe une symphonie « zéro » non publiée). Les huit premières suivront dans un délai de dix ans. Il faudra attendre plus de dix ans avant la publication de la « neuvième », et une dixième symphonie était en chantier à la disparition du compositeur. La symphonie avec chœur n’est donc pas, contrairement aux idées reçues, un aboutissement de l’œuvre symphonique de Beethoven. Seulement une étape grandiose dans une progression interrompue par le destin…

La Première Symphonie

Elle n’a pas l’élégance d’une symphonie de Wolfgang Mozart, ni la légèreté d’une œuvre de Joseph Haydn. Beethoven désirait surtout se forger son propre itinéraire. Cette première symphonie déborde pourtant d’énergie. Elle utilise de manière intensive les bois et les cuivres, au point qu’elle fut surnommée la ‘symphonie militaire’.

Mais il faut surtout chercher la différence dans la personnalisation des instruments. Les bois ne forment plus une famille, mais acquièrent des personnalités propres. On y trouve déjà la préférence du Maître pour la sonorité du hautbois aux dépens de la clarinette. Les cors prennent aussi une importance qui dépasse le simple support harmonique de ses prédécesseurs.

I - Adagio molto - Allegro con brio

Une célèbre dissonance ouvre l’introduction. Jamais on avait osé débuter une œuvre par autre chose que l’accord rassurant de tonique. Il faudra attendre Richard Wagner avant de retrouver une pareille « audace ». Et la tonalité de ut majeur attendra huit mesures avant de s’affirmer, brièvement d’ailleurs.

Après cette introduction, courte et dense, suit un allegro fort classique. Le développement et surtout la coda prennent une place plus importante qu’à l’habitude, ce qui constituera la caractéristique de l’œuvre Beethovenienne et de toute la musique romantique.

II - Andante cantabile con moto

Ici encore, Beethoven innove en présentant le thème de l’adagio sous forme fuguée. Ce thème rappelle l’adagio de la 40e symphonie de Wolfgang Mozart, sans l’aspect tragique de cette dernière. L’usage des timbales et des trompettes marque les principales articulations de cet adagio.

III - Menuetto : Allegro molto e vivace

Malgré le titre de menuet, on est déjà bien plus proche du scherzo, que Beethoven utilisera de manière quasi systématique dans ses œuvres ultérieures.

On remarquera le contraste entre la partie principale, construite sur près de deux gammes ascendantes, et le trio central, dont le thème se résume à une seule note.

IV - Adagio - Allegro molto e vivace

Ici encore, une entrée en matière inhabituelle : une introduction lente pour un mouvement final. Une gamme ascendante, construite note par note, conduit au thème principal, vif et joyeux. Imaginons pourtant ce mouvement sans l’introduction lente : l’effet serait totalement différent, tellement plus pauvre.

La Troisième Symphonie, héroïque

Œuvre charnière dans l’histoire de la Symphonie, Beethoven révolutionne ici le genre jusqu’aux moindres détails. Bien sûr, les dimensions de l’œuvre surprennent, mais également tous les détails de la construction, depuis la redéfinition de la notion de ‘thème’ jusqu’à la richesse de l’orchestration.

Pour Beethoven, le thème n’est pas en effet le point de départ d’un mouvement, d’un développement, mais bien l’accomplissement. Il comporte en lui, tel une graine, tous les détails qui conduiront le mouvement jusqu’à sa conclusion.

Le premier mouvement développe à lui seul la longueur d’une symphonie Mozartienne, sans pourtant que l’auditeur ne prenne conscience de cette longueur. Ce n’était possible qu’en introduisant dans l’œuvre une multitude, non pas de motifs, mais de combinaisons à l’infini de quelques motifs. Par la même occasion, Beethoven supprime les motifs de ponts, ces passages étrangers à tout thème qui remplissaient le mouvement, qui assuraient la transition entre les différents chapitres de l’œuvre.

Un livre ne suffirait pas à l’analyse de cette symphonie. Mais il n’est pas besoin d’analyse détaillée, il suffit d’écouter comment un motif passe d’un instrument à l’autre, change constamment de tonalité, et combien la clarté reste de mise dans ce labyrinthe d’idées.

Cette symphonie présente une sonorité, une atmosphère nouvelle, bien plus intense que les œuvres du XVIIIe siècle. Il n’est plus possible de confondre avec une symphonie de Haydn ou de Mozart. L’orchestre reste pourtant classique, à l’exception de l’introduction d’un troisième cor. C’est sans doute anecdotique, mais il est bien plus important de constater que les cors jouent, à travers les quatre mouvements, un rôle héroïque, à n’en pas douter le rôle du héros de cette symphonie.

La symphonie fut d’abord dédiée à Bonaparte, alors qu’il était encore général. Beethoven déchira la dédicace lorsque Bonaparte se fit proclamer Empereur, déclarant que ce Héros serait dorénavant « un homme comme les autres, avant tout assoiffé de pouvoir ».

I - Allegro con brio

Célébrissime, ce thème tout simple, déjà utilisé par Mozart, se compose des notes de l’accord parfait. Il est précédé simplement de deux accords en guise d’introduction.

Le second thème démontre à merveille la méthode Beethovenienne pour développer un simple motif de 3 notes : à chaque mesure, le timbre change, passant de celui du hautbois à celui de la clarinette, de la flûte puis des violons. C’est après l’exposition de ce thème que Beethoven va introduire un petit nombre de motifs, tantôt rythmique, tantôt mélodique, qui vont jouer un rôle fondamental, celui de relier les deux thèmes principaux.

Au moment de la réexposition, on retrouve cette alternance de timbres, quand le thème principal est repris en mi bémol aux violoncelles, et fa au cor, en ré bémol aux violons et à la flûte, en si bémol aux violoncelles et alto. Les violons reprennent une progression partant de mi bémol avant que le thème n’explose à tout l’orchestre.

À travers ce mouvement, Beethoven passe sans cesse d’un rythme ternaire à un rythme binaire, superposant parfois les deux genres. Si on ajoute les syncopes fréquentes, on comprend que le compositeur fait du rythme un élément fondamental - et complexe - de ce mouvement.

Enfin, dans ce mouvement, Beethoven propose pour la première fois une architecture nouvelle : l’exposition, le développement, la réexposition et la coda acquièrent une importance égale. Ces proportions atteindront la perfection dans le mouvement initial de la neuvième symphonie. Chez ses prédécesseurs, le développement se limitait souvent à quelques modulations, tandis que la coda était souvent réduite à quelques mesures. Cette nouvelle construction se généralisera rapidement au cours du XIXe siècle.

II - Marcia funebre : Adagio assai

Marche funèbre en souvenir du héros, telle est l’annotation de Beethoven dans ses esquisses.

Il s’agit d’un mouvement tripartite, typique de toutes les marches. Le thème funèbre est d’abord entendu aux cordes, puis transmis au hautbois dans son registre mélancolique. Les cordes répètent alors en support un petit motif de quatre notes qui annonce le motif du destin de la cinquième symphonie.

La partie centrale, en do majeur, apporte un peu de lumière dans ce climat bien douloureux.

Mais, comme dans son second quatuor à cordes et plus tard dans de nombreuses œuvres, Beethoven donne à la reprise une importance exceptionnelle : après la répétition du thème, il insère une magnifique double fugue, solennelle, où les bois et les cuivres occupent une place prépondérante.

À nouveau, une courte reprise du thème, puis c’est l’arrivée d’une fanfare lugubre, jouée aux trompettes et aux cors sur un motif obstiné aux cordes.

Tandis que s’éteint cette sonnerie, le thème de la marche funèbre reprend ses droits, mais considérablement affaibli. Les hautbois et clarinettes reprennent le rôle des cordes, et vers la fin, les timbales reprennent en sourdine le thème du destin.

Le mouvement se termine par une coda d’une ampleur exceptionnelle Sa construction montre à nouveau le génie et l’originalité du compositeur : une phrase lumineuse apparaît aux violons, mais rapidement, la couleur retourne aux sombres accents du début. Le thème funèbre est repris, mais complètement désarticulé, émis par bribes aux violons.

Un accord tranchant comme une lame, dominé par la sonorité du hautbois, clôture alors le mouvement dans une atmosphère de désolation.

III - Scherzo : Allegro vivace

Comme dans la seconde symphonie, c’est ici le scherzo qui remplace le menuet. Peu importe, comme l’ont dit certains critiques, que ce mouvement décrive ici les plaisirs de la vie au camp, ce scherzo pétille de gaîté d’un bout à l’autre.

Le trio est construit autour d’une sonnerie confiée aux trois cors. Bien que contrastant avec le reste du mouvement, cette partie centrale n’affaiblit pas, bien au contraire, le côté héroïque du mouvement.

IV - Allegro molto

Pour conclure ce monument, Beethoven abandonne la forme sonate classique au profit d’un thème avec variation. Comme dans de nombreuses œuvres du compositeur, il s’agit de variations assez libres, où les formes fuguées alternent avec des variations plus classiques. Il arrive ainsi à mettre en place un crescendo de valeurs, clôturé par un éblouissant presto.

Le thème lui-même se résume à presque rien : quelques notes jouées pizzicato à l’unisson, reprises ensuite avec les bois en écho.

Les première et seconde variations sont tout à fait classiques, avec une augmentation de la densité des notes : croches puis triolets de croches.

C’est dans la troisième variation que Beethoven introduit l’élément mélodique, une mélodie qui fait figure de véritable thème, et qui sera indissociablement liée au pizzicato initial.

La quatrième variation est une magnifique fugue. Elle est suivie d’une variation bien plus intime, confiée essentiellement à la flûte. Un crescendo conduit vers un épisode martial joué aux cordes et aux bois.

La septième variation, de forme fuguée, conduit par un long crescendo, au point culminant du mouvement, là où, dit-on, les portes du Paradis s’ouvrent devant le héros. La musique semble s’arrêter, et c’est dans un splendide adagio que vont s’exprimer les huitièmes et neuvièmes variations.

Le temps semble alors suspendu, jusqu’à l’explosion brutale de la dernière variation, un presto éblouissant dominé par les sonneries des cors.

J.F. Lucarelli, décembre 2006

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