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Claudio Magris et Franz Lehar

F. Sarindar, le 24/06/2013

Claudio Magris, dans son livre Danube (cf. numéro 2162 de la Collection Folio, Gallimard, 2011, page 357), brosse un portrait sévère de Franz Lehar, qu’il cataloguerait bien parmi les petits maîtres, tout juste dignes d’être qualifiés du nom de compositeurs, un bel amuseur, auteur de divertissements qui se veulent de la belle musique et au total un pâle imitateur des grands auteurs d’airs de valse autrichienne. Je ne partage ni son avis ni son mépris : Lehar a beau avoir donné un peu dans la facilité et semblé vouloir exploiter un filon "commercial", il y a derrière sa légèreté, de la grâce et de la beauté pure, qui plaît à l’oreille. Chercher à réduire à rien Lehar, c’est faire la moue devant ce qui s’impose tout seul, sans discours. Voici ce qu’écrit Magris (seules lignes de son livre qui ne me plaisent pas, car l’ouvrage est de grande qualité) : "A Komorn, une plaque en deux langues informe qu’ici est né Franz Lehar, maître d’un illusionnisme au carré et d’une musique de consommation dans laquelle la nostalgie des valses de Strauss, malgré une maestria pleine de gaieté, se corrompt en une vulgarité désinvolte. L’illusionnisme de l’opérette, qui réduit la vie à la réplique, cette industrie du cynisme galant et sentimental, c’est du carton-pâte, qui, sans se donner de grands airs, détourne du sérieux de la vie".

Que de mépris dans les termes employés ! Qu’a donc fait Lehar à Claudio Magris pour mériter un tel jugement ? Que l’on ne classe pas Lehar parmi les grands génies de la musique, bon, cela est entendu. Mais qu’on le piétine ainsi, cela n’est pas admissible. Je voudrais bien avoir fait pour mon compte aussi bien que l’auteur de La Veuve Joyeuse avant d’oser écrire sur lui comme l’a fait Magris.

Je suis, chacun a pu le constater, un "mahlérien", comme aimait à me dénommer le regretté docteur Georges Monnier, ozonothérapeuthe décédé en avril 2013. Et d’aimer Mahler, ne m’empêche d’aimer ni Piotr Ilitch Tchaïkovski, ni Rodrigo, ni... Lehar. Je peux faire des distinctions, établir des hiérarchies dans l’importance que je donne à tel ou tel, mais j’apprécie ce qui est beau. Et la musique de Lehar entre bien dans la catégorie du "beau", de l’esthétique sans prétention, et cela seul importe. Qu’on le classe parmi les compositeurs faciles si l’on veut, cela ne me gêne pas, mais que l’on prétende pouvoir le tenir pour quantité négligeable et lui marcher dessus, alors voilà qui ne peut que heurter ceux qui aiment la musique, et qui l’aiment tout simplement pour ce qu’elle est.

Je pense n’être pas tout seul à goûter la musique de Lehar, d’où ma réaction d’humeur en terminant le beau livre de Magris, sur lequel je n’ai rien à dire que du bien, sous la réserve du jugement qu’il porte sur Lehar. Je sais bien : "des goûts et des couleurs...", mais enfin on peut ne pas aimer sans avoir besoin de rabaisser.

Par François Sarindar, auteur de : Lawrence d’Arabie. Thomas Edward, cet inconnu

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