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Le Groupe des Cinq

Jean-Baptiste, le 23/10/2015

Le Groupe des Cinq désigne un groupe de cinq (vous l’aurez deviné) musiciens russes post-romantiques (milieu-fin XIXe siècle) dont l’ambition était de donner naissance à une musique nationale russe, qui n’imiterait pas la musique occidentale, et sortant des sentiers battus par les conservatoires de musique.

Groupe des Cinq
De gauche à droite et de haut en bas : Balakirev ; Cui ; Moussorgski
Rimski-Korsakov ; Borodine

Contexte

Après l’apogée du romantisme, de 1830 à 1850, on observe un phénomène de montée des écoles nationales (c’est plus élégant que de parler de nationalisme), aussi bien en Europe qu’en Russie. Trois éléments composent ces écoles nationales : l’utilisation des thématiques (mythes, légendes, histoire) et de la musique populaire nationales, ainsi que de la langue du pays.

Dans une Russie dont l’aristocratie est encore très francophile et tournée vers l’Europe, le mouvement est d’abord littéraire (Pouchkine, Gogol). En musique, on se souvient de Mickaïl Ivanovitch Glinka comme le « père » de la musique russe : ses opéras (Une Vie pour le Tsar) sont écrits en langue russe, Kamarinskaïa est tirée de deux thèmes populaires russes. Citons également Alexandre Sergueievitch Dargomytjski (La Roussalka).

À savoir aussi que la professionnalisation des musiciens russes est relativement tardive : jusqu’à environ 1850, les musiciens professionnels exerçant en russie sont principalement étrangers. C’est la création en 1858 d’une Société musicale russe puis de deux Conservatoires (Moscou et Saint-Pétersbourg) qui va permettre de changer la donne à ce niveau.

Vie du groupe

Un peu de terminologie

L’expression « Groupe des Cinq » semble être une appellation d’origine contrôlée française 100% pur porc. Les Russes le connaissent sous le nom de « Puissant petit groupe » (Могучая кучка / Moguchaya Kuchka), expression utilisée pour la première fois en mai 1867 par Vladimir Stassov (1824-1906), soutien du groupe, et reprise d’abord ironiquement par les ennemis de Balakirev, puis par le groupe lui-même.

Contrairement à ce que son nom pourrait laisser penser, ce cercle n’a pas tout de suite été composé de cinq compositeurs. De plus, les Cinq ne seront réunis qu’entre 1862 et 1866…Ainsi, l’appellation "authentique" russe semble être plus exacte que l’appellation française.

Notons aussi que ses membres n’ont pas été d’exacts contemporains, ne serait-ce que sur le plan artistique : Moussorgski meurt en 1881, alors que Rimski-Korsakov n’a encore écrit que trois opéras (sur 12 au total) ; Balakirev et Cui lui survivent quant à eux près de 30 ans (décès en 1910 et en 1918).

Séparation du groupe

Le groupe des Cinq commence à se désagréger en 1870 à la suite de tensions internes. Balakirev et Cui sont jugés trop sévères par les autres membres. Le fondateur, pour qui le Groupe était presque une famille d’adoption, traverse conséquemment une grave crise morale. Les décès de Moussorgski (1881) et de Borodine (1887) mettent un terme définitif à l’aventure.

Objectifs du groupe

L’ambition du groupe est donc de donner naissance à une musique nationale basée avant tout sur les traditions populaires russes (folklore, chants populaires, chant religieux de l’Église orthodoxe) et détachée des standards occidentaux (essentiellement l’italianisme à la mode ainsi que le germanisme omniprésent). Il se fait connaître à partir de 1861 (date de l’abolition du servage par le tsar Alexandre II).

Le groupe va ainsi jusqu’à s’opposer aux conservatoires russes (Saint-Pétersbourg en 1862, Moscou en 1866) et au pourtant russe Anton Rubinstein (qui enseigne à Saint-Pétersbourg) : les Cinq sont d’ailleurs des compositeurs autodidactes. Un peu plus tard, dans les années 1870, on assistera à la naissance du romantisme national russe dans des domaines variés : cercle d’Abramtsevo pour les Beaux-Arts et l’architecture, Dostoievski ou Toltstoï pour la littérature).

C’est pour pouvoir créer la musique la plus expressive possible que les membres du groupe composent ballets, opéras et musique symphoniques, mais délaissent certains genres peu propices à porter un message, comme la musique de chambre et le concerto, dont Tchaïkovski s’occupera.

« Les Cinq » cherchent également à faire connaître certains des romantiques modernes et parfois contemporains : Hector Berlioz, Franz Liszt, Robert Schumann, Frédéric Chopin.

Le Groupe des Cinq et les autres

Piotr Ilitch Tchaïkovski n’a pas fait partie du groupe, qu’il rencontre toutefois en 1868. Le groupe fait bon accueil à sa première symphonie « Rêves d’hiver ». De son côté, le compositeur dédie son ouverture-fantaisie Roméo et Juliette à Balakirev, et aurait souhaité intégrer le groupe, mais il arrive trop tard : la désunion commence à gagner les Cinq.

Le Groupe est en revanche plus hostile envers Anton Rubinstein (dont Tchaïkovski fut d’ailleurs l’élève), perverti par ses nombreux voyages et ses accointances en Europe : il a par exemple étudié la composition à Berlin…

L’appellation "Groupe des Six" (compositeurs français, 1916-1923) s’inspire du Groupe des Cinq.

Ressources liées

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