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Qu’est-ce que la musique ?

azerty (†), le 23/01/2019

Qu’est-ce que la musique ? Voilà une question que l’on ne se pose jamais alors qu’elle devrait être à la racine de toute réflexion philosophique sur la musique. Un penseur comme Vladimir Jankélévitch souligne la difficulté de cerner précisément cet art, si évanescent qu’il n’existe que dans l’instant où il atteint nos oreilles, pour disparaître aussitôt entendu. C’est ainsi que le philosophe a pu construire, autour de la musique, une « esthétique de l’ineffable ». Mais cette esthétique, loin de mettre en question l’existence de la musique, lui permet d’explorer ce qui caractérise, selon lui, des musiciens qui le passionnent comme Gabriel Fauré, Achille Claude Debussy ou Maurice Ravel. La question de la définition de la musique reste donc entière.

Première approche

Étymologiquement, le mot dérive du concept grec mousike qui signifie « l’art des muses ». Platon, dans l’un de ses Dialogues, en fait le socle de son projet éducatif : « La musique comprend l’ensemble des arts auxquels président les Muses. Elle enferme donc tout ce qui est nécessaire à la première éducation de l’esprit. C’est par elle qu’on modèle pour la vie des âmes encore tendres : aussi importe-t-il qu’elle soit pure de tout élément douteux. » Si, pour Platon, « la musique comprend l’ensemble des arts », les choses ont bien évolué depuis : la musique s’est à la fois émancipée en tant qu’art autonome, et s’est diversifiée en de multiples formes. On a ainsi vu se succéder les périodes musicales (Moyen Âge, Renaissance, Baroque, Classicisme, Romantisme, etc.), chacune inventant son propre style musical, ses propres règles, ses propres définitions, chaque époque étant persuadée de détenir la vérité concernant la nature de la musique.

Évolution du concept

Pour suivre chronologiquement les différentes phases au cours desquelles la définition de la musique a évolué, vous pouvez vous reporter à notre dossier L’histoire de la musique à grands pas.

Entre le VIIe et le XIIIe siècle, le chant religieux est considéré comme la seule forme de musique légitime et il est entièrement dévolu à la gloire de Dieu. Avec l’Ars Nova, au XIVe siècle, les choses bougent et Guillaume de Machaut (1300-1377) peut écrire : « La musique est une science / Qui veut qu’on rit et chante et danse. […] Et il n’est que de l’ouïr / Pour faire les gens réjouir. » À partir de ce moment, musique profane et musique religieuse coexistent à égalité pour le plaisir ou le recueillement des auditeurs et, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, les compositeurs conforment leur art à la demande de leurs commanditaires. Claudio Monteverdi (1567-1643), travaillant à la cour de Mantoue, se rallie aux idées neuves du baroque naissant : rejetant les codes traditionnels de la polyphonie, il justifie ses audaces « par la satisfaction de l’ouïe et de la raison ». Par contre, Johann Sebastian Bach (1685-1750), profondément croyant, définit la musique comme « une harmonie agréable célébrant Dieu et les plaisirs permis de l’âme » (extr. de Music Quotations).

À partir du Classicisme (Joseph Haydn et Wolfgang Mozart), les choses se compliquent car, à côté des musiques savantes profanes et religieuses, les musiques populaires (chansons et danses) sont de plus en plus présentes dans l’univers musical de la « bonne société ».

Interactions entre le populaire et le savant

Au XVIIIe, on retrouve des tambourins, rigaudons et musettes dans les tragédies lyriques de Jean-Philippe Rameau : dans "Dardanus" (1739 ; écouter le Tambourin). Même J. S. Bach n’ignore pas la bourrée, la polonaise ou le menuet dans ses Suites pour orchestre : dans la n°2, écouter des extraits de ces trois danses. Si Luigi Boccherini respecte l’allure du menuet (écouter celui du Quintette op. 11 num. 5), Haydn le transcende : écouter le début du Quatuor Hob III. 83).

Une définition de la musique moins subjective, plus large et plus rationnelle, s’impose donc. On la trouve avec la célèbre proposition de Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), qui a pesé sur toute la pensée ultérieure, d’Emmanuel Kant à Frédéric Nietzsche : « La musique est l’art d’accommoder les sons de manière agréable à l’oreille » (Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, 1751-1776). Mais cette définition, si générale soit-elle, ne pouvait pas tenir au-delà du romantisme car l’univers culturel musical allait encore s’enrichir de toutes sortes d’autres manifestations sonores : musiques extra-européennes, nouveaux procédés d’écriture (atonalité), introduction du bruit dans les compositions (musique concrète), etc.

Il ne faut pas exagérer

Il faut cependant fixer des limites car n’importe quel son, comme le souffle du vent, le murmure d’un ruisseau ou le chant des oiseaux, ne peut être qualifié de musical, sinon par une analogie due à l’inventivité inépuisable de l’imagination humaine. De même, il faut faire un sort à la fameuse « musique des sphères » qui naît, selon Aristote, avec les pythagoriciens. Dans la Métaphysique, il écrit : « Tout ce qu’ils pouvaient montrer dans les nombres et dans la musique qui s’accordât avec les phénomènes du ciel […], ils en composèrent un système. »

Une définition d’aujourd’hui

Si la musique n’est pas un phénomène naturel mais une création bien humaine, elle est cependant multiple par la variété des formes qu’elle emprunte et des buts qu’elle vise (danse, recueillement, divertissement, incantation, méditation, etc.). Il semble donc difficile d’établir une définition unique englobant tous les genres musicaux, du classique à la variété, et tous les styles. On peut cependant essayer.

En choisissant des termes objectifs, on pourrait avancer la définition suivante (roulement de tambour) : activité humaine visant l’organisation dans le temps de phénomènes sonores (sons et bruits) et de silences, en vue de créer une composition structurée (même de façon aléatoire) caractérisée notamment par les paramètres suivants : vitesse, rythmes, nuances, organisation des hauteurs (type de gamme ou d’échelle), mode d’attaque et timbres.

On remarquera que cette définition se veut neutre de toute subjectivité et s’appuie uniquement sur des paramètres spécifiques à la musique. Elle fait également l’économie de références esthétiques (questions de goût) et sociologiques (mode liée à un contexte social). Enfin, elle ne présente pas le processus de composition comme un art mais comme une technique : composer, c’est organiser, structurer, ce qui remet à leur place les envolées lyriques sur le compositeur génial touché par les ailes de l’inspiration.

On pourra vérifier que notre définition s’applique même à une pièce extrême comme 4′33” du facétieux John Cage. Ensuite, pour savoir si c’est encore de la musique, il n’y a que vous qui pouvez le décider, avec votre goût et vos références personnelles. Si la question vous intéresse, vous pouvez explorer notre dossier Anti-art et musique.

Ressources liées

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