Vous n’oseriez tout de même pas lire ce dossier sans jeter un œil à la biographie de Bedrich Smetana ?
« Deux petites sources jaillissent à l’ombre de la forêt Sumava, l’une chaude et agile, l’autre froide et endormie. Elles s’unissent. Dans sa course hâtive, le torrent devient une petite rivière, la Vltava, qui se met en route à travers le pays thèque. Elle traverse les noires forêts où retentissent les sonneries d’une chasse. Elle traverse les fraîches prairies où le peuple chante et au danse au son des notes campagnardes. Au clair de lune, les fées des eaux, les roussalkas, y rondent et s’y ébattent sur le flot argenté, dans lequel plus loin se mirent les châteaux revêches, contemporains de la vieille gloire et des vertus guerrières. Dans les défilés de Saint-Jean, elle écume en cascade, se faufile à travers les rochers et fend les vagues contre les rochers épars. Puis s’étalant dans son lit élargi, elle roule majestueusement vers Prague, où l’accueille Vysehrad, antique et solennel. Ici, en pleine force et gloire, le Vysehrad se perd aux yeux du poète dans les lointains infinis.«
C’est à partir de ce petit scénario que Betrich Smetana, alors sourd, composera le second volet du cycle Mà¡ Vlast (ci-après, Ma patrie). L’immense fresque fut entreprise sur 6 ans, de 1873 à 1879, pour la gloire de la nation tchèque, qui vient de gagner son indépendance.
Celui-ci, la Moldau, deviendra le plus connu des 6 poèmes symphoniques, qui composent Ma patrie. Il n’a pas de forme spécifique puisque celle-ci découle de l’argument mais on pourra l’associer à la forme lied : ABA. Voici donc le plan détaillé de cette œuvre.
Naissance de la Moldau : l’œuvre commence piano, en mi mineur, par un thème ondulant aux flûtes accompagnés par les pizzicati des cordes (écouter). Ceci représente la première source auquel va s’ajouter la seconde à la clarinette. Les deux thèmes vont d’abord se répondre, se superposer puis dans la vitesse des doubles croches se mélanger. De cet important flux de note va découler le thème principal de la pièce (écouter) en deux parties, la première ascendante, et la deuxième descendante, ce qui donne l’impression de vagues, le tout en ternaire, plus souple, et donc plus approprié à quelque chose d’oscillant comme de l’eau. Notez qu’à 50 secondes, la reprise du thème est en majeur, ce qui souligne le passage de la rivière dans des paysages verdoyants.
Après la sérénité du fleuve arrive la chasse en forêt (écouter), d’une atmosphère plus inquiétante à l’image de la Gorge aux Loups dans le Freischütz de Carl Maria von Weber. Le thème de la chasse est énoncé aux trompettes.
Heureusement, la rivière (et l’orchestre !) retrouve son calme initial et s’approche d’un village où l’on célèbre des noces (écouter). En réalité, ce passage n’est qu’un prétexte pour composer une danse populaire tchèque (rappelons que l’œuvre a été écrite pour la nation). Ce nouveau thème est binaire, et en sol majeur, relatif du ton principal.
Alors que la noce se termine, l’atmosphère se trouble de nouveau : la nuit tombe (écouter). Un accord très dissonant amène à la tonalité de lab majeur. Pour suggérer les ”fées des eaux”, l’orchestre est pré-impressionniste, semblant anticiper Achille Claude Debussy, c’est alors que s’élève aux cordes le magnifique et mystérieux chant du clair de lune. Un thème plus martial s’y superpose peu à peu pour évoquer les ”châteaux revêches, contemporains de la vieille gloire et des vertus guerrières”.
Puis le thème de la rivière revient majestueusement (écouter). La pièce gagne alors en intensité, pour arriver au Klimax, au moment des rapides de Saint-Jean. Les trompettes entrent et ponctuent les fins de phrase par de lourdes cadences (si si si mi). On est revenu au ton principal. Le nombre de cadence s’accroit, le thème devient alors une pompeuse marche militaire (écouter) toujours à la gloire de la nation naissante.
Les cascades de flûtes du début reprennent jusqu’à l’explosion du thème principal, mais en majeur (écouter), l’homonyme. La Moldau est arrivée à Prague (thème de Vysherad). La musique décroît les rives s’éloignent. Le tutti ponctue définitivement l’œuvre de deux accords, formant une dernière cadence.
En ce qui concerne les enregistrements, the Symphozik team (la classe incarnée !) conseille la version de Ferenc Fricsay et l’orchestre de Berlin, enregistrement Deutsche Grammophon de 1960...
En attendant, vous pouvez écouter la version Kubelik en regardant une video qui illustre la musique pas à pas :
Anonyme, le 16/04/2021 à 16:19
En 1986, j’étais en 4eme...J’ai étudié en cours de musique ce morceau. Grâce à mon professeur et à sa passion je n’ai jamais oublié ce chef d’œuvre et son histoire. Il me berce encore par moment et je revois toujours les images dans ma tête du cheminement et la voix de mon professeur narrant les étapes de l’écoulement de ce cours d’eau. C’est magique!
Je conseil l’interprétation de Mme Valerie Milot en solo de harpe, extraordinaire!
Je me permets une réflexion sur la confession d’origine de Bedrich SMETANA...on s’en fou!!! C’était un patriote tchèque, il aimait son pays et c’est à mon sens ce qui donne toute sa beauté à son œuvre, rien d’autre.
Anonyme, le 19/10/2018 à 19:13
Un magnifique moment. Très bonne idée que d’accompagner l’écoute de la musique par l’écrit. Merci.
Anonyme, le 19/08/2017 à 11:38
Je viens juste de découvrir ce site, un merveilleux cadeau qui nous est fait...permet de développer des liens, d’harmoniser ce qui est chaque jour détruit...
doucillia, le 14/02/2017 à 9:45
Et si vous consultiez une carte : Lien. Il y a aussi ce site qui devrait vous aider : Lien. Bon courage.
Anonyme, le 13/02/2017 à 22:09
Quelqun pourrait m’aider a faire un shéma sur le chemin de la Moldeau en gros sa route merci :)
Anonyme, le 27/03/2015 à 23:52
Bonsoir,
De ce que je crois comprendre, Smetana aurait composé la Moldau sur une chanson populaire découvert grâce à ses relations plus ou moins étroites avec une juive. C’est un peu romanesque, mais pourquoi pas... C’est en effet un site peu académique, mais voilà le lien ; Lien externe. A creuser ?
Symphozik, le 26/03/2015 à 18:59
Suite aux commentateurs qui associent Smetana à la religion juive, quelqu’un aurait-il une source ? Je ne trouve rien à part quelques sites peu académiques, rien sur Wikipédia ou les encyclopédies. Merci !
Anonyme, le 26/03/2015 à 10:25
Avec ma belle mère nous avons toujours eu un grand respect et une belle complicité.
Quand elle est partie, j’ai pensé qu’elle me faisait un joli clin d’oeil, car à l’Eglise, le 1er
morceau de musique choisi par le curé était « LA MOLDAU« .... je suis juive.
Anonyme, le 31/12/2014 à 22:31
Rarement lu des analyses de si grande qualité. Merci beaucoup
Anonyme, le 19/05/2014 à 17:12
josiane :
Merci à tous. Je viens de découvrir avec bonheur les détails de cette oeuvre, déjà entendue bien sûr. Ma recherche d’aujourd’hui découle d’une lecture sur la cristallisation de l’eau, étudiée par Masaru Emoto, et du magnifique résultat obtenu à l’écoute de « La Moldau« .
Anonyme, le 18/02/2014 à 19:28
le thème principal a t-il été inventé par B. Smetana ?
Anonyme, le 07/12/2013 à 0:46
Ce morceau me berce depuis ma toute petite enfance. Je me souviens le mettre en mode « repeat« et m’endormir avec, me réveiller avec, l’écouter plusieurs fois dans la journée.
Aujourd’hui encore il m’arrive de l’écouter pour m’endormir. Je connais l’histoire, mais celle qu’on m’avait raconté petite, d’une fée des eaux à qui il arrive des aventures alors qu’elle suit le cours de la rivière, reste la plus jolie pour moi.
Anonyme, le 31/08/2013 à 6:47
Smetana, je l ai connu grace à mon prof de musique (1 h par semaine en collège) Mme Mazeron, qui a su transmettre son amour passionne de cette musique à bcp d élevés à la base peu concernés, par ailleurs j ai poursuivi des études de piano, et cette musique est tjrs restée ds mon cœur, je vis en Israël, mais j’écoute les radios musicales françaises où je m éclaté, et peu importé de la judéité ou non de smetana, et je suis juive, mais sa musique est authentique et je pense que c en est la raison de son succès, merci à tous de toutes vos explications chalom
Anonyme, le 09/04/2013 à 18:44
Mais de qui vient le poème duquel Smetana s’est inspiré ?
Anonyme, le 07/02/2013 à 0:07
Je disais qu’il faut être attentif à ceci : que c’est d’une personne qui a pratiquement perdu l’usage de la parole que viendra cet hymne à la patrie, voix bâillonnée dans le vaste Empire austro-hongrois, mais qui sut malgré tout se faire entendre.
François Sarindar
Anonyme, le 06/02/2013 à 12:20
Il importe après cela de rappeler que la Moldau coule dans une terre qui est inséparable de cette rivière et dont les patriotes tchèques tirent leur fierté : la Bohême.
François Sarindar
Anonyme, le 06/02/2013 à 12:13
La perte de celui des sens qui est essentiel au musicien, l’ouïe, est quelque chose qui rapproche Bedrich Smetana de Ludwig van Beethoven, et l’enfermement en soi qui découla de cela conduisit le compositeur, avec la perte progressive de la parole, au bord de la folie et le fit basculer vers la fin dans la vraie démence, mais donc autrement que Robert Schumann ou que Hugo Wolf.
Smetana, devenu sourd, eut la force d’écrire Ma Patrie (My Vlast), et dans cette couronne nationale tchèque on a pris l’habitude de considérer à part un magnifique joyau, véritable trésor musical, cette Moldau qui n’est pas chère qu’aux yeux des patriotes tchèques et qui atteint si bien son objectif avec sa forte expressivité et ses thèmes les plus mélodieux qu’elle touche le cœur de tous les humains en ravissant leurs oreilles. On voit que les eaux remuantes d’un cours d’eau redevenu paisible font que les hommes s’attachent à une terre parce que la fertilité des sols qu’il irrigue leur est devenu lieu de vie, et que cela donne de l’inspiration à des poètes et à des musiciens.
La Bohême et la Moravie, alors encore considérées comme une seule entité malgré le côté un peu artificiel de cette union qui allait finalement éclater, n’avaient pas été reconnues par l’Empire d’Autriche, qui les tenaient sous sa coupe, comme l’avait été le Royaume de Hongrie, la Double Monarchie n’avait pas su devenir triple. Et il est curieux que ce soit un homme qui fut finalement privé de la voix, qui réussit si bien à exprimer en une musique aussi évocatrice des lieux traversés par la Vltava et surtout de la fluidité de cette rivière qui traverse Prague et va se jeter dans l’Elbe.
Cette musique parfaitement incarnée en une terre est assez parlante pour être de partout, et pour être de tout le monde aussi bien comprise et de tous aussi aimée.
François Sarindar
Anonyme, le 27/03/2012 à 22:58
Etudiante a l’iufm j’aimerai savoir si l’on peut me donner des renseignements sur Tabor de Smetana?
merci d’avance
Anonyme, le 29/11/2011 à 18:15
Claudia me soule grave pas toi ? CHER PAS DEFOIS OUI ET NON J AIMERAIS BIEN LA TAPER
Anonyme, le 02/07/2011 à 14:54
C’est vrai que le thème est le fond de l’Hymne national de chez nous en Israel: HaTikva: l"Espoir.
Mais pourquoi n’avoir jamais mentionné que Smetana était Juif?
Cortdialement à tous.
Gilbert
Anonyme, le 10/06/2011 à 22:36
dans le defilé la riviere gagne en puissance ce sont des gorges profondes ou l’eau se deverse avec rage d’ou l’utilisation des cuivres et des percussions...voila ami ce que j’ai toujours dit a mes élèves a qui je demandais de dessiner les "Rapides de st Jean" en couleur...
Symphozik, le 30/05/2011 à 21:38
"Défilé" est ici à prendre au sens géologique: il s’agit d’une formation rocheuse, une sorte de vallée dans laquelle passe la Moldau...
Anonyme, le 28/02/2011 à 16:17
Pour répondre à la personne qui doit réaliser un exposé , allez sur Wikipédia et vous trouverez de bons renseignements et sur l’auteur et sur l’oeuvre .
Bien à vous , @lain .
Symphozik, le 10/01/2011 à 19:20
Bonsoir,
Vous avez dès maintenant la possibilité d’écouter ce morceau à partir de la vidéo Youtube intégrée au début du dossier.
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