La musique populaire d’aujourd’hui est dite « de variété ». Celle d’autrefois est dite « traditionnelle » ou « folklorique ». Cette musique populaire peut être définie selon au moins 6 critères :
La musique dite « classique » ou « savante » s’enracine dans la musique populaire. Mais au fil des siècles, elle en est devenue tout l’inverse :
Pourtant, l’opposition entre musique classique et musique populaire n’a pas été toujours aussi radicale qu’aujourd’hui. Jusque récemment, on peut même constater une certaine porosité. Quelques exemples :
Dès la Renaissance, des chansons en vogue comme "L’Homme armé" sont réutilisées pour des compositions plus élaborées (écouter l’adaptation de Robert Morton, 1463) ; on en fait même des messes (par exemple Guillaume Dufay : écouter le Kyrie de la Messe « L’homme Armé »). Les danses populaires (gigue, gaillarde, gavotte, etc.) sont récupérées et réinventées par les compositeurs « savants » dans la suite, qui atteint son apogée durant la période baroque. Elle sera ensuite à l’origine de toutes les grandes formes classiques (sonate, symphonie, concerto…).
Au XVIIIe, on retrouve des tambourins, rigaudons et musettes dans les tragédies lyriques de Rameau : écouter le Tambourin de "Dardanus" (1739). Même Johann Sebastian Bach n’ignore pas la bourrée, la polonaise ou le menuet dans ses Suites pour orchestre : dans la n°2, écouter des extraits de ces 3 danses. Si Luigi Boccherini respecte l’allure de ce même menuet (écouter celui du Quintette op.11 n°5), Joseph Haydn le transcende : écouter celui du Quatuor Hob III.83, début.
Dès le milieu du XIXe, avec la montée des nationalismes, le folklore est remis à l’honneur. Les exemples sont innombrables : les Mazurkas de Frédéric Chopin (écouter la n°18 op.30 n°1), les Rhapsodies hongroises de Franz Liszt (écouter le début de la 2ème, 1847), Isaac Albéniz (écouter Chants d’Espagne, Prélude), Manuel de Falla, "Sept chansons populaires espagnoles" (1915 : écouter la 1ère), Igor Stravinski (écouter les airs russes au début du ballet "Petrouchka", 1911), Heitor Villa-Lobos (écouter le début du Choro n°1), Darius Milhaud, "Suite provençale" (1936 : écouter l’introduction), Francis Poulenc, "Suite française" (1935 : écouter le Bransle de Bourgogne), etc.
Au XXème siècle, l’exemple d’échange « populaire-savant » le plus frappant est celui opéré par Béla Bartók : il invente l’ethnomusicologie en menant à partir de 1905 avec son ami Zoltà¡n Kodà¡ly une enquête très approfondie sur le folklore de la Hongrie et des pays avoisinants. Les richesses mélodiques et rythmiques qu’il y découvre nourriront toute son œuvre. Exemple : Suite de danses (1923 : écouter la fin). Avec le courant dodécaphonique, il aurait semblé que la musique savante s’était définitivement coupée de ses racines populaires. Pourtant il faut bien constater l’influence déterminante exercée, non par la musique de variété (qui est le plus souvent l’objet d’un certain mépris par les « classiques »), mais par des formes plus authentiques et inventives de la musique populaire. Ainsi, le jazz d’abord, puis les musiques d’autres civilisations, ont abondamment inspiré les compositeurs du XXe siècle. Par exemple, André Jolivet et Olivier Messiaen se réclament d’un certain « primitivisme » et font souvent référence aux rythmes et aux gammes indoues ; Luciano Berio, dans ses Folk Songs (1964 : écouter la n° 7) montre son attachement à la chanson traditionnelle populaire et il en utilisera à plusieurs reprises ; TÅru Takemitsu, à partir de November Steps (1967 : écouter un extrait), introduit dans son orchestre des instruments trabitionnels japonais comme la flûte shakuhachi ou le luth biwa. Et nul doute qu’après les excés cérébraux des tendances sérielle et spectrale, le récent retour à une relative simplicité facilitera encore longtemps le dialogue classique-populaire. On voit même des créateurs comme Erkki-Sven Tüür (né en 1959) qui, jeune homme, fonde un groupe de rock progressif à l’image des Pink Floyd ou de Genesis (par exemple écouter un morceau des Pink Floyd - oui, sur Symphozik, vous ne rêvez pas !). En mûrissant, il verse dans le classique mais garde un goût pour le mélange des genres (écouter le début de Conversio, 1994).
Ce dernier exemple nous amène à examiner ce que, à l’inverse, la musique populaire a emprunté à la musique classique. En premier lieu, il y a bien sûr le langage tonal, qu’utilise l’immense majorité des musiciens de variété, langage élaboré, langage élaboré au début de la période baroque.
En outre, nombreux sont ceux qui revendiquent l’influence d’Antonio Vivaldi, Bach, Chopin ou Stravinski. Certains les ont même adaptés. Exemples :
La musique de film peut être considérée comme une forme récente de musique « grand public ». Le « classique » y tient une place importante soit par la réutilisation de compositions préexistantes, soit par l’influence qu’elle joue sur les compositions originales de film. Comparer par exemple le thème de la Menace de l’Étoile Noire de John Williams (extrait du film "Star Wars", 1977) et le début de Mars (extrait des "Planètes", 1918) de Gustav Holst.
Anonyme, le 04/06/2023 à 19:32
Vos critères pour définir la musique populaire et la distinguer de la musique classique ne fonctionnent pas dans toutes les situations !
-Certains styles de musique populaire peuvent utiliser aussi un langage musical élaborée www.youtube.com/watch?v=ZnRxTW8GxT8&ab_channel=RickBeato,
-Dans le style rock progressif, que vous mentionnez, dans le jazz et dans le métal de nombreux morceaux dépasse largement les 3 minutes du format radio, voire même les 10,15,20 ou 30 minutes ! Même des morceaux au succès aussi large qu’intemporel comme les chansons Bohemian Rhapsody, November Rain ou Stairway to Heaven ont plusieurs centaines de millons de vue sur youtube malgré qu’elles aient au minimum 30 ans et qu’elles fassent respectivement 5, 9 et 8 minutes.
-Si le chant et la structure couplet/refrain sont effectivement des éléments récurrents, ils ne sont pas obligatoires : des groupes récents comme Polyphia ou Animals as leaders font presque exclusivement de la musique instrumentale et ne sont absolument pas rattachés à la musique classique
-Pas d’autres ambitions que de divertir ? C’était aussi la vocation de la musique classique à l’origine, divertir la noblesse. Que faites-vous des chansons engagées d’artistes comme Jean Ferrat, Bob Dylan, le groupe Rage Against the Machine, j’en passe et des meilleurs ? De morceaux expérimentaux comme The Boys in The Band de Gentle Giant ou Dance of Eternity de Dream Theater ? En quoi seraient-ils moins stimulants pour l’intellect que l’hymne à la joie, puissant hymne fédérateur reposant sur un motif simple sur une gamme majeure ?
Pour votre partie sur les emprunts de la musique populaire, je me permettrait d’ajouter que si le système tonal est effectivement souvent employé, certains styles de musique populaire utilisent aussi volontiers le système modal, par exemple le mode dorian est très utilisé dans la funk, le mode phrygian est très utilisé dans le métal et le flamenco, ou encore le mode mixolydian, qu’on retrouve souvent dans le rock.
En résumé, votre article n’est pas inintéressant et il a été certainement fait par des passionnés de musique, mais ils ne me semble pas exempte d’une certaine condescendance vis-à-vis de la musique populaire, que ce soit l’intention des auteurs ou non. Je regrette que les auteurs n’aient pas montré plus de distance critique par rapport à leurs défintions, n’oubliez pas que la musique est quelque chose de fondamentalement vivant, à l’image des être vivants les catégories ne sont que des vues de notre esprit et ne reflètent pas toujours la réalité, et encore moins en l’occurrence la démarche et l’authenticité des artistes, quel que soit a culture dans laquelle ils évoluent.
Anonyme, le 24/12/2017 à 19:15
C’est une question d’entropie. La musique populaire aujourd’hui oscille entre les chansons intimistes murmurées et endormantes, et les productions hyper-vitaminées en décibels.
Quant à la musique dite classique, comme vous le notez justement, elle a commencé par être populaire. Au temps de Mozart, elle était jouée dans des endroits variés, un public populaire y assistait, et il lui arrivait - incroyable - d’applaudir au milieu d’un mouvement.
Ce n’est pas CETTE musique qui est classique, c’est tout ce qui l’entoure. (et que vous avez commencé à évoquer)
Mais revenons à l’entropie. L’entropie est positive ou négative selon que la forme d’énergie se dégrade ou se renforce. Plus l’énergie est dégradée et moins elle est réutilisable. Et inversement;
Certaines musiques modernes suscitent trépidations, trémoussements, et au bout, il y a un grand vide. C’est l’entropie positive.
La musique dite classique apporte un surplus de conscience et d’humanité; C’est l’entropie négative.
Anonyme, le 22/07/2016 à 21:58
Je trouve au contraire que c’est la musique savante qui est l’objet d’un mépris de plus en plus affiché.
Qui oserait dire qu’il défends les musiques impopulaires ! Pourtant il y en a de magnifiques.
Rafiki, le 07/04/2014 à 19:24
il manque un « n« à « ensuite« , dans le premier point concernant la non-radicalisation de l’opposition entre musique classique et musique savante ;)
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