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Mahler et Bruno Walter

F. Sarindar, le 11/01/2013

Mahler et Bruno Walter

Les deux hommes ont collaboré pour la première fois en 1894 à Hambourg, Walter y étant engagé par Gustav Mahler comme répétiteur, mais lorsque le second, arrivé à Vienne en 1897, s’est mis à chercher des connaissances pour l’appuyer dans son travail à la tête de cette grande institution qu’était la Hofoper, Walter, qui aurait pu y faire son entrée alors qu’il s’agissait de trouver des remplaçants à Fuchs et à Richter, trouva toute une série de bonnes raisons pour ne pas donner suite immédiatement à la proposition de son aîné, et cela parce qu’il ne savait pas encore bien se situer par rapport à la très forte personnalité de ce dernier et qu’il ne voyait pas encore bien comment un "apprenti" comme lui pouvait lui être utile (on était alors en octobre 1898). Le jeune homme cherchait à se donner de l’assurance, et il finit par céder quand, en 1901, Mahler revint à la charge. Walter eut beaucoup de mal à s’imposer au début, sans doute parce qu’il se coulait trop dans le personnage de son maître, mais Mahler prit sa défense et réussit à le maintenir face à d’injustes critiques, ce dont Walter lui demeurera éternellement reconnaissant.

Des années plus tard, Walter s’épanouit sans plus se tenir dans l’ombre de son protecteur et il s’acquit une solide réputation, devenant en particulier un excellent chef mozartien.

Mais il eut à cœur aussi après la mort de Mahler en mai 1911, de défendre et illustrer la musique de ce dernier, du moins la partie de cette œuvre qui lui semblait plus accessible et avec laquelle il se sentait en plein accord et en parfaite résonance : il créa le Chant de la Terre et la Neuvième Symphonie (et il en devint l’un des meilleurs interprètes comme chef d’orchestre), et il enregistra, outre ces deux compositions, les 1ère, 2ème, 4ème et 5ème symphonies, celles qui avaient sa préférence, ainsi que les Kindertotenlieder, sans doute parce qu’il se disait qu’il ne pouvait pas rendre de plus bel hommage à Mahler qu’en jouant ces morceaux qu’il pressentait passer mieux dans le public que le reste et aussi parce qu’il préférait n’avoir pas à se contraindre en donnant des œuvres qu’il ne comprenait pas aussi bien et où il se serait peut-être senti nettement moins à l’aise.

Sans doute avait-il raison en son temps. Aujourd’hui, plus personne n’éviterait les 3ème, 6ème et 8ème Symphonies : lui semblaient-elles semblables à un gouffre, surtout la 3ème et la 6ème ? Étaient-elles étrangères à son univers musical ? Lui faisaient-elles peur ?

On regrette qu’un tel homme n’ait pas songé à nous laisser une intégrale des symphonies. Nous aurions été comblés. Était-ce parce qu’il était encore intimidé par Mahler, tant d’années après, qu’il ne réussit pas à nous faire cette joie ? S’il s’était confié à Thomas Mann, durant leur exil commun aux États-Unis pendant la période hitlérienne (Walter était juif et l’épouse de Thomas Mann, Katia Pringsheim, l’était aussi), nous en aurions su davantage, car Mann et Walter sympathisèrent. Walter resta aux États-Unis plus longtemps que Thomas Mann (qui s’éloigna durant l’épisode de la "chasse aux sorcières" et la crise du maccartysme) pour aller se fixer en Suisse.

Walter mourut à Hollywood en 1962. Il apparaît toujours comme l’un des meilleurs dans la direction des œuvres de Mahler. Dommage qu’il ne l’ait pas été complètement et que son attention n’ait pas aussi porté sur la splendide 8ème Symphonie qui aurait dû éveiller en lui les mêmes impressions que la 2ème, tant elles semblent sœurs quant à l’élévation spirituelle. Walter qui était juif n’était pas réticent devant la musique à caractère religieux de tonalité chrétienne, mais peut-être n’approuvait-il pas l’association de genres apparemment opposés faite par Mahler qui avait choisi de placer la scène finale du Faust de Goethe mise en musique et en chant par ses soins à la suite d’un Veni Creator Spiritus à sa façon.

Walter a donc fait sa sélection dans l’œuvre de Mahler, prudence partagée par Klemperer qui choisit lui aussi de ne pas tout diriger. Mais ils ne furent pas les seuls, beaucoup choisissant ce qu’ils préféraient en raison de leurs affinités avec les œuvres dirigées.

Par François Sarindar, auteur de : Lawrence d’Arabie. Thomas Edward, cet inconnu

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